



Da Vinci, Rosa, STAR : ces nouveaux "robots chirurgiens" qui pourraient bientôt vous opérer mieux qu’un humain
Atlantico : Selon de nombreux chercheurs et chirurgiens, l'utilisation de robots autonomes ou semi-autonomes dans des opérations de chirurgie, comme le STAR (Smart Tissue Autonomous Robot), permettrait d'obtenir de meilleurs résultats sur les patients. Quelle est la place actuelle de la robotique dans le milieu de la chirurgie ? Les résultats concernant leur utilisation sont-ils positifs et permettent-ils d'envisager des applications plus larges dans ce domaine ? Lesquelles ?
Franck Latxague : Aujourd’hui, l’arrivée de la robotique dans les hôpitaux est encore à ses débuts, comme dans la plupart des métiers du secteur tertiaire. L’achat d’un robot par un hôpital est généralement suivi d’un communiqué de presse de l’hôpital, ce qui montre son caractère exceptionnel. Pour avoir quelques chiffres en tête : Medtech, fabricant français de robots chirurgicaux, vient de franchir en mai dernier le cap de la 100ème chirurgie effectuée par l'un de ses robots. Aux Etats-Unis, environ 1/4 des hôpitaux possèdent le plus célèbre des robots chirurgiens, le robot Da Vinci (commercialisation débutée en 2000). Pour finir, le marché de la robotique chirurgicale représentait $3,2 milliards en 2014 et devrait peser $20 milliards en 2021, selon un rapport publié par WinterGreen Research en avril 2015. Les résultats sont très positifs : une étude rétrospective sur les 14 dernières années faite à partir des données recueillies par la FDA (Food and Drug Administration) recensait (seulement) 114 décès de personnes ayant subi une opération chirurgicale assistée par un robot.
En comptant que 1,7 million de patients ont été opérés pendant cette période, cela reste un faible pourcentage. De plus, dans cette étude, rien ne pouvait incriminer le robot directement. Elargissons un peu le sujet pour parler d’autres types de robots qui sont en train de s’introduire dans les hôpitaux : transport de matériel divers comme les robots Vecna au CHU de Nantes, distribution de médicaments comme le robot HOSPI-R de Panasonic (conçu en 2004 au Japon et qui vient tout juste maintenant de recevoir l’approbation des autorités sanitaires japonaises), et plus récemment, la volonté d’un hôpital situé dans le Massachusetts de s’appuyer sur le deep learning et le big data pour la prise de décision de ses médecins.
Quoiqu’il en soit, le processus est long car la réglementation est stricte et les machines doivent se plier à un grand nombre de normes de sécurité aussi bien électroniques que sanitaires (voir l’International Safety Organisation, normes ISO 13482). Quant au robot STAR qui a fait pas mal de bruit, il est en réalité un cas exceptionnel, qui n’a d’ailleurs pas intégré d’hôpital. Il ne s’agit que d’un prototype qui a opéré sous la supervision de ses créateurs et en aucun cas de façon autonome.
Pourquoi parle-t-on de robot "semi-autonome" ? Dans quelle mesure un tel robot peut-il s'avérer plus efficace ou plus précis qu'un chirurgien ?
Les robots seront tout simplement plus efficaces qu’un chirurgien dans la mesure où ils ne subissent pas les effets de la fatigue, du tremblement, voire de l’impatience qui caractérisent n’importe quel être humain.
Aujourd’hui, la dernière marche à franchir pour les robots-chirurgiens est celle de la faculté à manipuler plusieurs types d’instruments. Toujours est-il qu’il y aura nécessairement un chirurgien humain derrière le robot pour superviser le tout. Pour le cas de STAR, non seulement un chirurgien est intervenu a priori pour écrire le protocole de l’opération, mais il est également intervenu ici et là au cours de l’intervention, le robot n’étant finalement qu’un vulgaire instrument au même titre qu’un scalpel.
Le robot Star (Smart Tissue Autonomous Robot) a connu un grand succès lors d'opérations sur des tissus mous. Un robot pourra-t-il à terme remplacer un chirurgien de manière totalement autonome ? Quelles sont les limites de ce procédé ?
Les limites des robots en termes de précision ne devraient pas tarder à tomber. Pour ce qui est de leur complète autonomie, il n’est pas sûr que ce soit ce que cherchent les roboticiens ou les professionnels de santé. Maintenant, il y aura inévitablement une barrière culturelle et juridique à franchir. Préférerons-nous être opérés par un homme ou une machine ? Aurons-nous la possibilité de choisir ? Est-ce que ce sera le chirurgien, le robot ou le constructeur de la machine qui sera tenu pour responsable en cas de blessure ou de défaillance ? Ce type de débats animent déjà la communauté scientifique et entrepreneuriale aux États-Unis, favorisés par l’essor des véhicules autonomes qui posent des questions de responsabilité juridique.
Propos recueillis par Thomas Gorriz